2ème Partie :

VISITE  de  SAINTE-EULALIE


 


 

 
 
2.1  La  Place  Centrale


2.1.1  La Fontaine (XVIIe)

           La place offre au visiteur étonné un charme indéfinissable. Ici, la Renaissance avec ses fenêtres à meneaux se mêle au baroque de l'abside de l'église et tempère la sévérité de l'architecture militaire des Templiers et des Hospitaliers. 

            La belle fontaine ombragée de platanes (43) rappelle un peu cellede Saint-Guilhem ou celle du Cours Mirabeau, d'Aix en Provence. Après l'aride Larzac, l'eau apparaît ici comme une richesse et ce cadre rafraîchissant est en été un lieu de ravissement.

           Ce bel ensemble architectural qui déverse en abondance l'eau clairedu plateau date de la première moitié du XVIIe et est dû à la générosité du commandeur de l'époque, Jean de Bernouy Villeneuve (44). les quatre tuyaux de plomb (couleuvrines,45), pourtant mentionnés au XVIIIe, ne sont peut-être pas d'origine: surgissant comme d'une source au sein de la colonne de pierre, l'eau débordant de la petite vasque se déversait dans le grand bassin avant de courir par les touats souterrains jusqu'aux jardins environnants (46). 

            Le bac d'écoulement n'est autre que les fonts baptismaux de l'église romane qui furent transportés ici par quelques révolutionnaires exaltés de 1789.

            Les habitants de la commune étaient tenus de verser une redevance au commandeur pour avoir la faculté de prendre l'eau à la fontaine. Au XVIIIe siècle, cinquante sols étaient annuellement versés au bailli Riqueti de Mirabeau par le Comité de la ville.

           Au Midi, quittant un instant les remparts qui l'ont de leur histoire emprisonnée, la vue découvre le paysage grandiose des Causses que domine de ses 972m. le pic de Cougouille.
 

2.1.2 L'aménagement de la place après le XVe

            Inversion de l'église et transfert du cimetière (1641-1642)
           C'est au Commandeur J. de Bernuy Villeneuve que nous devons en grande partie l'aménagement de la place. Les "Ameilheurissements"(47) de 1648 nous précisent qu'en même temps qu'il fit construire la fontaine,ce commandeur soucieux du bien-être de ses administrés fit transférer hors des murs de la ville le cimetière qui se trouvait devant la porte actuelle de l'église. Les dates de 1641 (sur l'oeil de boeuf de l'église) et 1642 (sur la croix de pierre au-dessus de la porte de l'actuel cimetière) confirment les textes des Ameilheurissements.

            Construction de la voûte sur le four et agrandissement de la place (après 1836)
           C'est à M. Arnal, maire de Sainte-Eulalie en 1836, que nous devonsles dernières grandes transformations   faites côté rempart du Midi et qui donneront à la place son aspect actuel: "La voûte de la rue du four et l'escalier à deux révolutions qui y donnait accès, depuis le milieu de la largeur de la place paroissiale" étaient en ruines et menaçaient à tout instant d'ensevelir les passants sous leurs décombres. Les travaux furent jugés indispensables: "Le vieux escalier sera démoli et reconstruit dans le prolongement de celui qui existe au devant de l'ancien château de commandeur (escalier de Mlle G. Mathieu). On n'a donc,en conservant le palier actuel, qu'à le prolonger jusqu'au niveau du sol de la rue et à reconstruire la voûte depuis l'alignement nord de la rue du four jusqu'au mur du rempart. Par ce moyen, le débouché de la rue sera mieux assuré et la place aura la forme presque régulièred'un rectangle... Le présent devis montant à la somme de1200 Francs y compris celle à valoir de 146,82 Francs pour la démolition de la vieille voûte" (48). 

           Ajoutons pour finir que c'est M.. Bolton qui fit placer la rampe en fer forgé au parapet du rempart et fit refaire à neuf le dallage autour de la fontaine (49) et que c'est le Foyer Rural qui, avec l'accord de la population et de la municipalité, fit transférer en1972 le monument aux morts de la guerre 14-18 sous les acacias de la Place du Portail à l'endroit même où se trouvait autrefois une fontaine.
 

2.2   L'Eglise

a) Histoire

           En 1151, Raymond, abbé de Saint-Guilhem le Désert, avec le consentement de ses religieux et l'approbation de Pierre, évêqued'Agde, donne au Temple l'église de Sainte-Eulalie avec toutes ses dépendances. Moyennant quoi, annuellement, le Jour des Rameaux, le Précepteur de Sainte-Eulalie déposera à l'abbaye 80 sols melgoriens et six fromages.

               En 1162, Richard, qui a succédé dans le gouvernement de l'abbaye à Raymond, nommé évêque d'Uzès, décharge les Templiers de cette rente moyennant le payement immédiat d'une somme de 2000 sols melgoriens, d'un mulet harnaché et une redevance annuelle de 2 livres d'encens à déposer sur l'autel de Saint-Guillaume à chaque fête de la Pentecôte. 

               L'église primitive date au moins du XIIe siècle. Il est évidentque bien des modifications ont détruit son cachet roman. 

b) L'extérieur

           Il devait y avoir deux entrées, l'une au Sud vers le château, l'autre au Nord pour les habitants, le choeur ancien étant installé vers l'Est suivant la règle générale au Moyen-Age. Le cimetière du petit village se trouvait autrefois sur la partie droite de la place actuelle. Dans la façade Ouest (cachée par l'ancien presbytère) subsistent l'oculus ainsi qu'une étroite fenêtre romane. 

           Après leur installation, les Templiers comprirent l'église dans leur place forte de telle manière que leur chapelle, interdite au public, fût indépendante et que le mur Nord de l'église servant de rempart fût prolongé jusqu'à la tour Ouest fermant de ce fait tout accès extérieur à l'édifice. Les Chevaliers de Malte supprimèrent la chapelle particulière des Templiers, et comme les paroissiens devaient traverser leur cour pour entrer dans l'église, au XVIIe siècle, un commandeur fit percer une porte juste derrière l'emplacement de l'autel : c'est la porte actuelle qui donne sur la place. On l'a ornée de consoles de style baroque et d'un fronton coupé où s'abrite une belle vierge en marbre blanc (classée Monument Historique). 

           Ainsi a disparu la fenêtre d'axe ancienne du chevet, un oeil de boeuf de la première moitié du XVIIe la remplace. La date de 1641 gravée dans la pierre confirme les données historiques. 

            Dans l'arc plein cintre de la porte d'entrée, occupant la clé de voûte, se trouvent les armes "du vénérable Bailhif de l'Aigle". La fleur de lis de l'écu a été grattée à la Révolution. 

            Des deux autres fenêtres d'origine,  celle du côté sud paraît avoir été bouchée à une époque ancienne, celle du nord a un double ressaut en arc de cercle, avec un ébrasement arrondi ne laissant le jour entrer que  par une ouverture étroite.

            Après le demi-cercle de l'abside, le bâtiment fait un léger ressaut, et le départ de la nef est marqué des deux côtés par des contreforts ronds dont la construction est assez rare, car en général, les appuis des églises romanes sont intérieurs. Il faut aller en Avignon, au Château des Papes pour en trouver de semblables" (51). D'autres contreforts accolés aux arcatures extérieures renforcent les murs de la nef.

            La fenêtre à droite du contrefort nord est une fenêtre trilobée du XVe. Il manque malheureusement un morceau du lobe supérieur et la colonne centrale.

           La porte qui se trouve dans la Commanderie qui jouxte l'église fut murée vers 1880. Après la Révolution, elle donnait accès à une forge qui occupait donc une partie de l'actuelle chapelle de l'église. 

            La fenêtre qui se trouve au-dessus de cette porte est du gothique flamboyant, celle qui est ouverte dans l'abside est beaucoup plus récente.
 
 

c)L'intérieur (52)

 L'intérieur a été modifié, mais on retrouve bien la même structure ancienne : magnifique nef unique du XIIe avec doubleaux retombant sur des piliers intérieurs qui ont, hélas, été coupés pour ménager sans doute la place à quelque meuble: c'était là une des manies des années 1830-1850. Les piliers du choeur actuel ont été coupés à la base pour implanter les stalles du XIXe siècle.

            On remarquera l'appareil de la voûte: à une certaine hauteur, le tuf, matériau plus léger, remplace la pierre de taille. L'ancienne abside en cul-de-four est très belle et mériterait, une fois débarrassée d'une tribune sans intérêt, de retrouver son image primitive.

            Les chapiteaux très simples sont seulement ornés de formes géométriques "tronc de pyramide accompagné aux angles de pyramides pointant vers le bas" (53), coquilles, feuilles d'eau, têtes de bovidé. Ils sont tous du type "cubique" et se raccordent par un mince astragaleà la colonne.

            Cette netteté austère, cette construction très dépouillée rappellent l'art cistercien et certains détails de la construction font penser à Silvanès.
 
 

d)Les chapelles  (voir plan ci-dessous)


Côté Évangile
           Aucun procès-verbal de visite ne fait mention de ces chapelles qu ine sont d'ailleurs pas dallées comme le reste de l'église.Seule la N°1 qui est de l'âge de la Commanderie mérite un instant notre attention.

            L'ouverture, que l'on peut voir encore du côté de la cave d'Auguste Barthès, prouve que les premiers maîtres de céans pouvaient accéder directement à l'église. Il y avait là, probablement, une communication réservée aux moines chevaliers qui pouvaient accéder à l'ancienne chapelle attenante des Templiers.

            Par la suite, au temps des Hospitaliers, un procès-verbal de visite daté du 20 septembre 1762 nous apprend que "par une porte à droite de la cheminée (54) on accède à un cabinet voûté, puis dans une tour (55) qui conduit à la tribunede l'église". En 1793, ce local fit partie du lot N°8, 2e division,et fut vendue au sieur Jean Roquefeuil, maréchal de Source Libre,qui y installa sa forge (56). Ce n'est qu'après 1856 que "par nécessité absolue d'agrandir et d'éclairer l'église, "(57) la municipalité l'acheta à la famille Roquefeuil.

            Les N°2 et N°3 sont de construction récente et utilisées dès la même époque comme chapelles : "Nécessité d'acheter les deux petites écuries et jardin situés au midi de cet édifice, moyennant la somme de 2500 Francs... pour l'achat ou la construction de trois chapelles" (57).

Côté Épître

            Leprocès-verbal de visite de 1762 nous donne des détails descriptifs intéressants qui permettent de tirer quelques enseignements:

            Chapelle N°6.
           Elle est des trois la seule qui a pu résister  à l'usure du temps et aux vicissitudes des hommes: "Du côté de l'Épître, sous le clocher, voûte à croisillon où pendent les cordes par lesquelles on sonne les cloches"(58).

           Ici se trouvait "la cuve de pierre des fonts baptismaux" qui, nous l'avons vu, sert depuis la Révolution de 1789 de bassin déversoir à la fontaine de la place. Mais une description très précise permettrait facilement sa remise en place: "Conque de pierre, fermée par couvert de bois garni de pointes de fer, ayant sa cuvette et couvert de cuivre étamé du dedans avec "chevrières d'étain fin" (59).

           Plus difficile est la datation de cette chapelle. Seules les armes de la clé de voûte peuvent nous en donner une idée: D'après M.Delmas, directeur des Archives de l'Aveyron, "ces armes sont parlantes: le meuble posé en bande dans l'écu est un soc de charruedu pays qu'on appelle en langue d'Oc une "reillo" (ancien provençal Relha). Il s'agit donc sans doute des armes de Guillaume de Reillane, appeléGuillaume de la Relhanie"(60), qui fut, selon Hermet, prieur de Saint-Gilles et commandeur de Sainte-Eulalie (1331-1346). On peut donc en conclure que selon toute vraisemblance, cette chapelle fut aménagée sous le clocher vers la fin de la première moitié du XIVe siècle.

           Chapelle N°5

                Reconstruite au siècle dernier, elle n'est plus du tout ce qu'elle était et n'offre plus d'intérêt que par son dallage:
               "L'autre chapelle joignant la précédente (N°4) voûtée à croisillon, pavée de pierre de taille, fermée par balustre en pierre dédiée à Notre-Dame du Rosaire..."(61).
                "Dans la chapelle est un tombeau, la pierre qui le couvre étant marquée d'une croix. On nous a dit qu'il appartient au sieur Déjean, bourgeois dudit Sainte-Eulalie. Il y en a un autre pareil dans la nef placé devant l'entrée de ladite chapelle qu'on nous a dit appartenir audit sieur Barrier" (idem).
                On peut en effet remarquer une dalle sur laquelle on peut lire:
                        "PRO HELENA DE (BO) USQUET ET SUIS".

            ChapelleN°4.

               Également reconstruite au siècle dernier. Voici une description de son image à jamais détruite:
               "Du côté de l'Épître, une chapelle dédiée à St-Jean-Baptiste, patron de l'Ordre, voûtée en arête pavée de pierres de taille fermant par un mur à hauteur d'appui, revêtu de bois, autel en maçonnerie avec une pierre sacrée, tabernacle en bois peint en marbre avec crucifix et quatre chandeliers de bois, devant  d'autel en bois peint élevé sur marchepied de bois. Un tableau représente St-Jean-Baptiste dans le désert(62).
                Le même procès-verbal précise également:  "Entre les deux chapelles (4 et 5) est placée la chaire à prêcher à laquelle on monte par un escalier en pierre pratiqué dans le mur de celle de Notre-Dame, elle est en pierre garnie d'un abat-voix de bois". Seul l'escalier subsiste, le reste a été modifié bien plus tard.
 

            Signalons pour terminer que les travaux actuels (63) (...) ont permis de mettre au jour des poteries qui sont des vases de résonance que l'on incluait dans la construction, ouverture vers la nef afin d'amortir les vibrations sonores, ainsi qu'une belle pierre sur laquelle est sculptée une croix fichée du XIIe qui rappelle étrangement la Croix duTemple (65).
           (...)
           Les maisons et les petites rues à droite de l'église donnent une idée des habitations qui, au Moyen-Age, se groupaient autour de l'édifice religieux. On remarquera tout particulièrement une porte très ancienne et le petit chapiteau à deux têtes voilées.
 

e) Le clocher (refait après 1842)

           Le clocher  a été deux fois reconstruit, seule la base dans laquelle s'ouvre la fenêtre gothique et se trouve la chapelle Saint-Jean (66) est d'origine et de l'âge de la Tour Mude.

            En1842, le clocher est dans un état de délabrement tel que le carillonneur refuse de remonter l'horloge ou de sonner les cloches, le toit risquant de s'effondrer. Le 27 février eut lieu la réception des travaux effectués sous la directive de l'architecte intendant,M. Thomas de Saint-Affrique, pour le prix de 2860 francs. Les armoiries que l'on peut voir sur la face sud, récupérées dans l'ancien clocher ou ailleurs par l'architecte ont été réutilisées comme ornement.

            Dans le mur des remparts Est, au-dessus des toits, on devine les escaliers qui donnaient accès au chemin de ronde.

            La cour de la famille Roger est très belle (...). Nous noterons seulement les détails les plus caractéristiques:
                  - Linteau de la fenêtre ouverte en 1598.
                  - Les ouvertures de guet, les meurtrières ainsi que les traces des escaliers (ou des constructions d'accès dans les remparts du XVe).Enfin une réparation (tache claire dans le rempart Ouest) mériteune explication: selon le témoignage de M. Camille Grimal alors maçon chez M. Cambon, fut mis au jour en 1912 un squelette emmuré qui s'écroula aux pieds de notre témoin terrorisé.Au bas de la réparation, une pierre sombre et légèrement en relief porte gravée la date de 1674.
 
 

 
        

2.3 Le  Trou  du Chien

           L'ouverture aménagée dans les remparts du XVe ( "dite Trou du Chien") (67) nous permet d'accéder au mur nord de l'église et de contempler l'extérieur de la place forte.

            C'est en 1868 que ce passage voûté devint une rue publique: jusque là, c'était une écurie appartenant
 au sieur Muret. Pour la somme de 300 Fr., la rue fut acquise par la commune en 1872 (68).

           Le local en mauvais état fut autrefois le presbytère. Construit en 1738 sur l'ordre du commandeur Ignace de Clermont-Chatte, nous n'en garderons bientôt plus le souvenir que par le linteau et les chapiteaux de style ionique. Sa démolition mettra en valeur un contre-fort à larmier très bien conservé, accolé à l'arcature extérieure.

            Les murs de l'église romane se prolongent dans la cave attenante où subsiste la façade ouest du bâtiment d'origine; on peut y découvrir cachée dans le noir, l'ancienne fenêtre d'axe devenue inutile et aveugle.

            A droite, face au mur de l'église se trouvait encore avant la Révolution le Jeu de Paume.
 
 

2.4 La Tour de Quarante (XIIIe)

           Cette tour appelée "Tour de Quarante" est du XIIIe et fut construite par les Templiers. Elle se trouve dans l'alignement de l'église.On remarquera qu'elle fut construite sans distinction de séparation avec le mur qui la relie à l'église et formait le rempart nord de la commanderie des Templiers. Fermée sur trois côtés,elle devait servir de grenier à grain. L'arc de la fenêtre ouest est d'époque, mais ses voûtes ont été rajoutées au XVIIe (69).
 
 

2.5 Façade Ouest du Château

Au couchant, cette tour était reliée par un rempart à une tour semblable (Tour de Frère Jacques ) qui a disparu sans doute après la Révolution, puisque leprocès-verbal de visite de 1762 (70) y fait allusion alors qu'un plan datant de 1793 n'en fait aucune mention. Le rempart qui passe dans les anciennes étables (borio) du château est bien de l'âge de la tour, les voûtes ont été ajoutées auXVIIe. Au premier étage, on remarquera le très beau dallage.

           Face à la rue publique, au 1er étage, se trouvait le logement du métayer; quant à la cour, elle était fermée par des murs crénelés (71).

           A droite du chemin communal, s'étendait jusqu'à Vancelles, le parc de la Commanderie ("tout complanté d'ormeaux et de tilleuls avec un pavillon de chasse").
 
 

 

 
 
2.6   1ère Tour du XVe (Hospitaliers)



               "Au nord, la muraille se dirigera vers la maison de Ramond Cavalada, située rue de la Maurine où sera édifiée une tour ronde ou carrée. Enfin, le rempart se prolongera jusqu'à la tour de l'église, derrière la chapelle de Saint-Jean bouclant ainsi le circuit" (72).

                Ainsi parle le contrat de construction. A droite de la tour, on distingue encore les corbeaux qui soutenaient la latrine, les dalles saillantes du chemin de ronde... Un dessin, reconstituant la tour vue de l'intérieur des remparts et le texte extrait du contrat de construction (...) nous permettront de mieux connaître une telle fortification d'angle que vous retrouverez à 2 autres reprises sous la même forme.

                "Les tours seront surmontées de mâchicoulis posés sur des corbeaux: chacune d'elles comportera trois étages voûtés (crotas), le premier au niveau du sol (das erba), le second au niveau de la coursière du chemin de ronde (cursona), le troisième, au sommet de la tour, sera recouvert de dalles taillées,suffisamment ajustées pour que les eaux de pluie y glissent sans pénétrer à l'intérieur, et puissent s'échapper par des bouches (boquetas) ménagées dans le mâchicoulis".

            Chaque tour sera défendue par 12 meurtrières, six pour armes à feu (bombardieyras) et six pour armes de jet (arqueyras et cayrelieyras ), toutes revêtues de pierres de taille . Elles seront disposées, moitié au premier étage et moitié au chemin de ronde, les unes sur la face extérieure et les autres sur les flancs de la tour, de manière à croiser leurs volées avec celles des tours voisines. »

            Précisons au passage que le contrat prévoyait que toutes les meurtrières pour arbalètes et bombardes devaient être garnies de pierres de taille. Or nous remarquerons qu'aucune meurtrière n'en a été pourvue. Un procès, daté du 29 mai 1450 condamnait d'ailleurs pour cet oubli les entrepreneurs à 10 moutons d'or d'amende.
 
 

2.7   Remparts Nord du  XVe (Hospitaliers)


              « Sur la section du mur nord qui domine le fossé dit d'en Gauffre  seront construites deux échauguettes (guachils) engagées dans la bâtisse et reposant sur quatre corbeaux, chacune d'elles étant suffisante pour abriter cinq hommes . »(extrait du contrat de fortification).

            De fait, tout le rempart de la Maurine est franchement roman. Certains trous de mousquet (bombardieyras) sont à l'heure actuelle au ras du sol, ce qui prouve que tout le chemin a été rapporté et surélevé avec comblement du fossé dit d'en Gauffre.

           « Sur toute l'étendue du circuit, les murs auront une épaisseurde 2 mètres à la base et jusqu'à la hauteur de 4 mètres. Au-dessus,  l'épaisseur diminuera graduellement de 33 cm sur la face intérieure. Mais au niveau du chemin de ronde, le mur reviendra à son épaisseur de 2 m., de façon à donner au chemin une largeur suffisante pour permettre aux allants et venants d'y circuler aisément. De 4 en 4 mètres, il sera posé sur les murs une pierre en saillie percée d'un trou (73) dans lequel viendront s'encastrer les perches ou barres (pergas ou barraudas) quand il en sera besoin. » 

            Une coupe du rempart met en valeur tous les détails de la construction des murs dont la hauteur seule varie aux divers points de l'enceinte.

            On distingue encore les 4 corbeaux des échauguettes, les pierres plates du chemin de ronde (cursona), les dalles faisant saillie à l'extérieur d'environ 33 cm (1 palme) destinées à rendre l'escalade difficileà l'ennemi et deux ouvertures d'origine à arcature en accolade qui éclairaient l'intérieur. Dans les courtines, des archères s'ouvraient en un large ébrasement vers l'intérieur sous une voûte en arc plein cintre. Sous la voûte, de chaque côté deux sièges de pierre se faisaient vis-à-vis.




2.8  2ème Tour Ronde du XVe (Hospitaliers)


            « Le mur est passant entre l'appentis de Terron et la maison de Guillaume Gauteret, s'étendra jusqu'au puits (74) du jardin de feu Maître Garnier de Mauriac. En ce point sera bâtie une autre tour ronde élevée seulement de 16 m. » (extrait du contrat de fortification).

            Une coupe de la tour permet de voir comment étaient disposées en réalité les meurtrières et quelle fut en définitive l'épaisseur réelle des murs qui n'ont jamais atteint les 2 mètres prévus.

            Remarquons en passant la superposition du trou de mousquet et de la meurtrière (75), qui ne sont pas entourés de pierre de taille.

            A droite de la tour, on remarque la latrine, encore assez bien conservée.

            Extérieurement les tours rondes (qui rendaient pour la défense infiniment plus de services que les tours rectangulaires) décrivent environ quatre cinquièmes de cercle tandis que du côté du village, elles sont fermées par un mur plat auquel viennent s'appuyer les remparts.

 

            On pénétrait à l'intérieur du 3ème étage par des petites portes ménagées au niveau du chemin de ronde.
 
 
 

 

 

2.9 Porte d'Entrée et Tour Rectangulaire du XVe (Hospitaliers)


 

           « C'est dans la partie Est des remparts entre les deux tours rondes, et juste au milieu de l' espace de 50 m. (25 cannes) qui doit les séparer que se trouvera la tour carrée haute de 20 m. (10 cannes), destinée à protéger la porte unique donnant accès à la forteresse » (extrait du contrat). En réalité, cette tour n'est pas au milieu de l'espace précisé. 

            Cette tour, plus connue sous le nom de Tour d'Alliance a conservé tous ses mâchicoulis. On peut voir les gonds en fer de la double porte, les trous dans lesquels pénétraient les longerons servant à barricader les lourdes portes en bois. Dans la voûte,on peut également voir la trappe de défense. A gauche en entrant, la porte murée donnait accès au corps de garde (76).

            Au-dessus de l'arc en ogive formé de pierres de taille de belles dimensions, se trouvaient les armes du Commandeur.

 

            Vers l'intérieur, dans la niche récente se trouvait la statuede Notre-Dame du-Sacré-Coeur appelée par les habitants la protectrice de la cité, parce que durant la guerre de 1870, elle avait protégé ses enfants appelés au front.

            A gauche de la tour subsiste une partie du chemin de ronde et la porte qui donnait accès à l'intérieur de la bâtisse.


            Toute la muraille du côté du Levant est dissimuléepar les constructions qui s'y adossent depuis 1793.
 
 


2.10. 3ème Tour Ronde ( XVe, Hospitaliers)

 

        "Le mur du Midy viendra s'appuyer à une tour ronde saillante de 20 m. de haut (10 cannes)"...

       Cette tour connue sous le nom de "Tour du Touat de Marie" a, plus que les autres, subi les outrages du temps, et le travail de sape des égouts souterrains, des vibrations des poids lourds, des ouvertures aménagées sans cesse ont eu raison de sa solidité. Grâce à l'action efficace de M. Bolton, ancien maire de Ste Eulalie et conseiller général, à l'acharnement de M. Baron, président du Foyer Rural, elle sera sûrement sauvée. Son écroulement eût porté un préjudice énorme à la beauté architecturale de l'ensemble (77).

 

2.11. Remparts du Midi ( XVe, Hospitaliers)

 

        "Le mur continuera au midy jusqu'à l'appentis d'Huc de Terron.... Sur cette muraille seront faites deux échauguettes (guachils) engagées dans la bâtisse (identiques à celles de la Maurine) et reposant sur quatre corbeaux,chacune suffisante pour abriter 5 hommes... La hauteur des murailles sera de 12 m. (6 cannes) depuis le sol jusqu'au chemin de ronde..."

        Ici encore on pourra observer le dernier corbeau de l'échauguette, la latrine à gauche de la tour du "Touat de Marie", une partie du chemin de ronde aujourd'hui recouvert, une horloge solaire... et sur le linteau d'une porte face au premier platane, la date gravée en 1793 qui atteste l'ouverture faite après les partages des biens nationaux. Un peu plus haut,une belle fenêtre à arcature en accolade mériterait d'être restaurée.
 
 

2.11a.  Tour Rectangulaire ( XVe, Hospitaliers)


        "Il sera bâti en ce lieu une tour carrée saillante, de la hauteur de 20 m. (10 cannes) dont la base formera un fort talus (talussada condecenter). Les étages de la tour seront réservés à l'usage exclusif du Prieur". C'est la seule tour d'angle du XVe ayant la forme rectangulaire. Par la suite, le rez-de-chaussée fut utilisé comme loge à cochons, le 1er étage comme prison et le 2ème étage devint le cabinet du Commandeur.

La porte Ouest a sa partie supérieure cachée par la voûte qui supporte la place actuelle (78). Une autre voûte de 1726 va à son tour y prendre appui. Elle était défendue par une meurtrière ouverte au-dessus d'un trou à mousquet et la trappe qui les surplombe. "Le portail de bois massif et garni de serrures " aurait dû être protégé par une herse coulissant de haut en bas (d'après le contrat de fortification) , mais si nous devinons l'emplacement des gonds, si nous distinguons la place des longerons, nous ne trouvons aucune trace de la herse.

Pénétrant par cette porte, nous nous engageons sous un tunnel, anciennement rue du Four, qui mène à la rue Basse. D'après le Compois de la commune daté de 1650, c'était la rue du village la plus peuplée. On remarquera là une maison typique, du XVIIe avec une belle tour qui abrite un escalier à vis de la même époque (79). La rue parallèle située au-dessus est la rue du Milieu; la rue qui conduit le visiteur de la tour d'Alliance à la place est la rue Droite, ou Grand-Carriera. Enfin la rue qui longe le rempart nord est appelée rue Haute (carrièra d'Ennaut).

      Si, à gauche de la porte d'entrée Ouest, vous remontez l'escalier qui vous mène à la place, vous remarquerez sur la palier une porte sur le linteau de laquelle vous lirez une date: 1792. Ici siégeaient au lendemain de la Révolution, les Jacobins, premiers défenseurs ardents de la Démocratie à Sainte-Eulalie. La fenêtre a remplacé l'oeil de boeuf de cette époque sur lequel on pouvait lire: "AN 4 DE LA LIBERTÉ". Une partie de cet oeil de boeuf est scellé dans le mur du jardin face à la grande porte d'entrée que nous venons de franchir.
 
 



2.11 b.  Tour Mude (XIIIe, Templiers)


 


        L'escalier vient s'appuyer sur la tour Mude, ainsi appelée parce que, comme un énorme contre-fort, elle n'était pourvu d'aucune ouverture. Cette tour était peut-être le beffroi du château des Templiers. Au début de ce siècle, une dame qui depuis a donné son nom à une marque célèbre de Roquefort, trouvant la pierre de taille fort commode à la construction avait entrepris sa démolition. Heureusement, le maire de l'époque, M. Vernières, limita les dégâts à temps.
 
 

2.12.  Emplacement du Four Banal


 


       Au pied de cette tour, aujourd'hui enseveli sous la voûte qui permit le nivellement de la place, les chevaliers de Malte, au XVe, avaient construit un four banal où tous les habitants étaient tenus de faire cuire leur pain. Le procès-verbal de visite de 1762 en donne une description qui dénote déjà son délabrement: "four banal vis-à-vis du château seigneurial, composé d'un bâtiment carré fermant par une porte en bois cintrée, éclairée par deux petites fenêtres manquant de leurs fermetures... Couverte bois et lauses à deux pentes, le couvert soutenu par deux arceaux en maçonnerie, celui des deux qui est le plus près du four ayant donné coup et étant considérablement déjointé proche la clé (de voûte)... La porte de fer est usée et brûlée".A cette époque, le droit de fournage était de 1 sol trois deniers annuellement pour ceux ayant 25 ans et la moitié moins pour ceux qui ont au-dessous du dit âge".
        Le rempart construit par les Hospitaliers au XVe relie la tour rectangulaire de la même époque à la construction templière du XIIIe. "le mur d'enceinte s'amorcera au niveau de la partie du château templier où se trouve installée la maison de l'économat (despessa) de la préceptorerie (80). (A voir aujourd'hui les fenêtres à meneaux de style sévère).
 
 

2.13.  Constructions du XVIIe


 


       Dans une petite rue perpendiculaire à la Grande Rue, à l'angle de la boulangerie Salze, se dresse une tour du XVIIe où l'on peut admirer un très bel escalier à vis  desservant les divers étages des maisons qui s'adossent aux remparts (81). Notre ami René qui est sans aucun doute le boulanger le plus jovial que la Commanderie ait connu, se fera un plaisir de vous guider en ces lieux...
       Toutes ces petites rues ont d'ailleurs, pour ceux qui savent regarder, un charme qui ne manque pas de douceur. A l'abri, derrière les hauts remparts, elles sont pleines de douces souvenances : ici courent les souvenirs d'enfance des gens du pays et rôdent, au moment crépusculaire, quand les fenêtres redeviennent archères, les murs courtines, les balcons brétèches et les grilles herses, les blancs manteaux des Chevaliers...
 


2.14. Le Château des Templiers puis des Hospitaliers


 


Le visiteur se trouve maintenant devant les murailles de la célèbre préceptorerie des Templiers qui deviendra l'héritage des Hospitaliers et le château de leurs Commandeurs. Un procès-verbal de visite (82) datant de la 2ème moitié du XVIIIe nous donne une idée générale de cet ensemble fortifié.

       "Le vénérable bailly possède un château de forme carrée, avec une grande basse-cour au milieu flanquée de quatre tours, savoir celle du clocher, celle ditte de Quarante, le troisième ditte du frère Jacques et la dernière de la Mude. Dans la circonscription desquelles tours il y a différents bâtiments servant de logement au fermier avec de grandes écuries, bergeries, le tout contigu formant un tout et même corps étant seulement juxtaposé dans une partie par l'église..."

        Vus de l'extérieur, les murs de l'ancienne préceptorerie des Templiers semblent bien dater du XIIIe (83). Le bastion encore imposant s'ouvrait vers la place par des fenêtres lancéolées au premier étageoù se trouva par la suite la grande salle capitulaire et au deuxième étage par d'étroites meurtrières (84) qui défendaient le dortoir des Chevaliers. Les contreforts actuels (ancoules recouvertesd'ardoises) portaient de grandes arcatures rythmées de travée en travée, donnant à l'ensemble un style oriental cher à l'Ordre du Temple.

       Au rez-de-chaussée se trouvait la chapelle des Chevaliers interdite au public. Dans la cavedeMme Privat, on peut encore admirer les imposantes fenêtres de la mystérieuse chapelle qui s'ouvrait au midi en surplomb de l'escarpement. L'ensemble devait se terminer en hauteur par des créneaux et sur le donjon devait flotter le fameux Gonfanon d'argent au chef de sable...

       Ici résidait le maître(Préceptor) du Larzac, qui, quand il ne l'était pas lui-même, dépendait du bailli ou du prieur de Saint-Gilles, lequel dépendaitdu maître provincial de Provence qui, à son tour, dépendait enfin du Grand Maître de l'Ordre qui résida d'abord à Jérusalem, puis ensuite à Chypre et enfin à Paris.
 

Droits de Justice

       Le procès-verbal de1762 nous apprend que "contre le mur de la façade du château est attaché un carcan de fer suspendu à une chaîne pour marque de la juridiction du commandeur". Rappelons à ce propos que le commandeur de Sainte-Eulalie (comme le rappelle en 1333 une lettrede Philippe V aux sénéchaux du Rouergue) avait la Justice Haute (droit de condamner au fouet, au carcan, au bannissement, mutilation et même à la mort) (85), moyenne (crimes légers, limites entre propriétés, inspection des poids et mesures dans l'étendue de la Commanderie) et basse (sorte de justice de paix que favorisa le bornagedes propriétés de l'Ordre) (86). Le personnel était nommé par le Commandeur: 1 juge, son lieutenant, le procureur fiscal, le greffier, huissier ou sergent. (Relevé abbé Caubel, Échos des Remparts de la Couvertoirade).
 
 

2.15    La Cour Intérieure


           Par un tunnel, la porte ouverte par les Hospitaliers après la désaffection de la chapelle des Templiers nous conduit à la tour centrale de l'enclos carré.

           Sous la galerie voûtée, à neuf pas de l'entrée, on peut encore remarquer les piliers et l'arceau en pierres de taille de grandes dimensions qui devaient former la porte donnant accès à la chapelle templière où furent reçus, dans les conditions mystérieuses qui provoquèrent leur procès, les chevaliersde Sainte-Eulalie (87).

            L'aile Renaissance qui vient s'appuyer à hauteur de l'arc de la porte continue la voûte du tunnel jusqu'à la cour.

           Nous sommes ici dans la première enceinte fortifiée par l'Ordre quelques années après son installation à Sainte-Eulalie.

            Au Nord, on retrouve, compris dans le rempart du XIIIe qui se prolonge jusqu'à la tour carrée de "Quarante", le mur de l'église. Contre celui-ci, un contre-fort rond, portant larmier à mi-hauteur, est accolé à l'arcature extérieure. Le contrefort terminé en cône, est abrité par deux corbeaux concaves de forme très simple qui devaient, avant la construction de la tour du clocher, supporter le clocheton de la chapelle romane du XIIe. D'ailleurs l'ouverture pratiquéeà sa base nous permet de découvrir l'escalier tournant en pierre qui conduisait au toit.

           Au couchant sont les étables et les paillers déjà signalés au cours de la visite (N°4). Au sud sont les habitations du fermier. D'autres constructions sont adossées aux murs, elles abritaient le "Mesnye" du Commandeur: bouviers, boatiers, bergers, coutals (chargés des chevaux), fourniers, boscatiers (qui s'occupaient du four banal), armuriers...

            Au fond de la cour, dans l'angle et à droite de l'église se trouvait en 1762 une "voûte à croisillon sous laquelle était une cave voûtée, un autre petit cellier aussi voûté et indépendant et un escalier de pierre dégradé par le bas lequel conduisait à une espèce de palier qui communiquait au grand appartement". Ces constructions sûrement tombées en ruines ont fait place à un petit jardin et à la chapelle de construction récente (88). Dans l'angle opposé à gauche se trouvait un puits "couvert de bois et lauses fermant par une porte en bois". Une petite construction à étage se trouve maintenant à cet emplacement.

            Les deux voûtes "d'égale hauteur et profondeur face à la porte d'entrée sans aucune fermeture" servirent de remises ou de bûchers d'abord, puis de volailler avant la Révolution. Elles sont l'oeuvre des Hospitaliers qui remanièrent assez considérablement l'ancien cloître fortifié des Templiers.

            A l'Est est venu s'ajouter en équerre une aile Renaissance avec à son extrémité deux fenêtres à meneaux de style sévère, et à l'angle, une échauguette en poivrière, plutôt décorative que défensive, puisqu'elle donne sur la cour intérieure du château, mais encore à l'étage"noble".

            Au-dessus de la porte d'entrée (autrefois fermée par une porte à deux battants) et sous la fenêtre à meneaux, dans l'emplacement demeuré vide, se trouvaient encore en 1762 les armoiries d'un ancien Commandeur de la maison des Robins.

            A gauche, le mur de ce bâtiment vient malencontreusement s'appuyer à l'une des deux paires de très belles fenêtres géminées dont les arcs trilobés retombent par un chapiteau à feuillages sur une très fine colonnette, tout ceci du XIIIe siècle.
 

2.16  Porte d'Entrée de la Commanderie

           On entrait dans la cour, c'est-à-dire dans la place forte par une porte en arc aigu ouvrant du côté sud. D'après l'abbé Giry, la porte est de l'âge des murs: plein XIIIe. L'emplacement de la herse est ici très bien conservé. Il y avait un pont levis. La preuve: les deux meurtrières convergente sur un même point très localisé, et très étroit, l'une à droite dans la cave actuelle et l'autre à gauche. Ces deux meurtrières interdisaient l'accès au pont levis. Il y avait donc obligatoirement un fossé qui a été, ici aussi, comblé. La plate-forme des marronniers a été toute rapportée.
 

2.17    La Salle des Fêtes

            La salle (89), à gauche en rentrant, est une réalisation des membres du Foyer Rural qui, avec beaucoup de goût, ont réalisé avec peu d'argent, sous ses voûtes du XIIe siècle, un lieu de réunion et de détente pour tous les habitants de la commune et les estivants qui nous rendent visite.
 

2.18   Le Parc

            A la fin du XIIIe siècle, un procès-verbal de visite décrit ainsi cet endroit: "grande terrasse pavée de pierres de taille par-dessous laquelle et à l'aspect du midi est un terrain en terrasse jadis complanté en vigne". Plus bas, une allée conduisait à une serre ou orangerie voûtée.

            Les bâtiments et les jardins appartiennent  à la famille Viala. Les enfants de cette famille, dont on connaît l'attachement à Sainte-Eulalie, ont mis à la disposition du Foyer Rural, dont ils sont membres fondateurs, et qu'ils animent avec coeur, la cour du château et la salle des fêtes. On ne soulignera jamais assez l'exemple qu'ils ont donné. Leur générosité, ami visiteur, mérite le respect de ces lieux si l'on veut que d'autres tout doucement, les suivent dans cette voie.
 

2.19  Intérieur du Château

            Un escalier à la française, construit dans l'aile Renaissance, permet l'accès au premier étage de ce qui fut la demeure des Commandeurs.

           La salle capitulaire occupait toute l'aile Est du château. Elle fut, semble-t-il, bâtie sur des voûtes du XIIe qui s'appuient aux murs de l'ancienne chapelle templière. Les Hospitaliers partagèrent cette grande salle en trois parties afin d'aménager le "grand Appartement" que le procès-verbal de visite de 1762 décrit ainsi: "trois grandes pièces voûtées  à croisillons les unes planchéyées, les autres pavées en petites pierres de taille, éclairées par des fenêtres à petit bois vitrées donnant sur place avec contre-vents" (90).

           Les parties extrêmes où l'on retrouve les mêmes voûtes en tuf soutenues par des croisées d'ogives appartiennent à des particuliers depuis la vente des Biens Nationaux.

            Il faut remarquer que ces voûtes (qui paraissent dater du XIVe), ont leurs ogives qui viennent prendre appui sur des  culs-de-lampe aujourd'hui dissimulés dans la maçonnerie des planchers. Preuve que la grande salle fut également divisée en hauteur (91). il s'agit sans doute du grand réfectoire des Templiers ou palais bas qui a été voûté au XVIIe.

           On a, dans la belle pièce appartenant au Foyer Rural, abattu les cloisons et les planchers intermédiaires qui la partageaient en plusieurs éléments d'habitation. La restauration permettra de reconstituer les très belles fenêtres lancéolées, la monumentale cheminée du XVIIe. Sur les murs piquetés pour faire tenir les plâtres, il sera plus difficile de retrouver les peintures du XVIIe qui ont bien souffert de l'incompréhension des propriétaires précédents. On ne retrouvera certainement plus les pavés bleus remplacés par un parquet sur une moitié de la salle.Ceux qui restent, bien ordonnancés, en augmentent le regret.


           Au premier étage de la construction Renaissance qui occupe l'aile intérieure du château se trouve une petite salle qui fut au XVIe siècle décorée de belles peintures murales. L'Ameilheurissement de 1648 précise en effet que le Commandeur Jean de Bernuy Villeneuve" a faict paindre la galerie quy est au devant de lad sale neufve, tant les murailhes que plancher..."

            Le dégagement de ces peintures qui furent à la fin du siècle dernier profondément rayées à la truelle pour faciliter l'adhésion d'un badigeon de plâtre qui les recouvrit depuis, a permis de mettre au jour une série de tableaux dignes d'intérêt. Dès sa première visite, M. l'abbé Giry reconnut la valeur des motifs: vertus théologales (Foi - Espérance -Charité) et vertus cardinales (Force - Prudence - Tempérance- Justice). (...)

2ème étage :

            Un autre escalier parallèle au premier et de la même époque nous conduit au 2e étage de l'aile Renaissance.

            La pièce située au-dessus de la salle des fresques portait au XVIIIe le nom de Salle Verte.

            De cette pièce utilisée comme chambre, on aboutit à l'échauguette "terminée en cul-de-lampe sur l'angle de la cour joignant le portail d'entrée". Là, les esprits curieux rêveront devant les beaux graffiti qui représentent une chapelle byzantine, des caravelles et des inscriptions gravées dans la chaux des murs...

           A gauche, nous retrouvons les murs extérieurs de la maison du Temple,un larmier court encore le long de la façade. Par une porte qui paraît assez ancienne, on accède au dernier étage " galetas" (que les gens du pays connaissent sous le nom de Lou Palays) (92) sous couvert de toit en bois et lauses, à deux pentes soutenu par huit arceaux et fenêtres prenant jour sur la cour du dit château, par plusieurs larmiers en forme de meurtrières ainsi que par une porte-fenêtre", précise le procès-verbal de visitede 1762.

           Les meurtrières ont été en partie démolies et largement ouvertes afin de monter à l'aide de poulies bois et fourrages. Il est fort possible que le dortoir se soit trouvé ici. Les premiers travaux ont permis de dégager une trappe située un peu avant la grande cheminée du dessous.

            Une petite ouverture à  gauche de la porte et la belle fenêtre du XIIIe avec deux sièges se faisant vis-à-vis à moitié aveuglés par l'aile Renaissance, méritent votre attention.
 

 

2.20 Les Environs de Sainte-Eulalie


Chapelle de Notre-Dame de Pitié

           La tradition locale raconte que Messire de Saint-Jean fit reconstruire une chapelle dédiée à Notre-Dame de Pitié, destinée à recevoir les morts du Mas Trinquier et du Rouget, jusqu'au moment où le prêtre venait les y prendre pour leur donner la sépulture ecclésiastique.

            En 1657, cette chapelle tombait de vétusté. Elle fut réparée et dotée par Maître Antonin Vernhettes, viguier en la Commanderie de Sainte-Eulalie et Juge des lieux de l'Hospitalet Guibert, de Labastide-Pradines et de Saint-Beaulize de Lirondet, avec le consentement de l'évêque de Vabres. Dans un acte dont nous possédons copie, le dit sieur donnait la somme de 200 livres tournois qui devait être affectée à un prêtre, dont le donateur ou ses héritiers se réservent à perpétuité la nomination, en qualité et patron de N.-D. de Pitié, vulgairement appelée Lo Maïre de Dious.

            La Révolution dépouilla l'Oratoire de ses rentes. En 1830, restauré, le sanctuaire devient à nouveau l'objet de la dévotion publique.

            Au témoignage de M. l'abbé Muret, ancien curé de la paroisse de 1780 à 1793, un certain nombre de personnes y ont obtenu des grâces. Une jeune fille y obtint même la guérison d' une plaie considérée comme incurable.

            Aucun texte jusqu'à maintenant ne permet de l'affirmer, mais connaissant la dévotion des Templiers pour la Sainte Vierge à qui ils dédiaient la moitié de leurs prières, on est tenté de penser que cette chapelle fut utilisée par les Chevaliers de l'Ordre et les Croisés revenant d'Orient, obligés de respecter la "Quarantaine", avant de réintégrer le cloître fortifié de leur Préceptorerie.

            Dans tous les cas, les procès-verbaux de visite de la Commanderie la mentionnent assez souvent.